La Safer doit suffisamment motiver ses décisions de rétrocession !

Lorsqu’elle n’est pas suffisamment motivée, la décision par laquelle la Safer rétrocède une parcelle agricole à un exploitant est susceptible d’être annulée à la demande d’un candidat évincé.

Lorsqu’elle rétrocède à un exploitant agricole un terrain qu’elle a précédemment acquis (en particulier en ayant exercé son droit de préemption), la Safer est tenue d’indiquer les motifs qui l’ont conduite à choisir cet exploitant plutôt qu’un autre. Ce qui doit permettre au(x) candidat(s) non retenu(s) de vérifier la réalité des objectifs poursuivis par l’opération ainsi réalisée par la Safer au regard des exigences définies par la loi.

Et attention, faute d’être suffisamment motivées, les décisions de rétrocession sont susceptibles d’être annulées.

Tel a été le cas d’une décision de rétrocession de parcelles prise par la Safer Aquitaine Atlantique qui avait simplement mentionné comme motif d’attribution : « agrandissement d’une exploitation du secteur mise en valeur par une SCEA à deux associés ». Ayant estimé que cette décision n’était pas suffisamment motivée, l’exploitant qui s’était porté candidat à l’acquisition de ces parcelles, et qui n’avait donc pas été retenu, avait demandé au juge qu’il l’annule. Il a obtenu gain de cause, les juges ayant réaffirmé la nécessité pour le candidat non retenu de pouvoir vérifier, grâce aux motifs donnés par la Safer, la conformité du choix opéré par celle-ci avec les objectifs de la loi.

Observations : il convient de déduire de cette décision que la Safer, lorsqu’elle rétrocède un bien agricole acquis par voie de préemption, ne peut se contenter d’une motivation purement formelle, mais doit préciser concrètement en quoi le choix de l’attributaire des parcelles est conforme avec l’objectif poursuivi par le législateur.Cassation civile 3e, 13 décembre 2018, n° 17-18019

Bail rural et exercice du droit de reprise par des propriétaires en indivision

Lorsque des propriétaires indivis d’une parcelle agricole louée à un exploitant exercent le droit de reprise au profit du fils de l’un d’eux, ce dernier n’est pas dispensé d’une autorisation administrative d’exploiter.

Lorsque le propriétaire de terres agricoles louées à un exploitant exerce son droit de reprise en vue de les faire exploiter par son fils, ce dernier peut être dispensé d’obtenir une autorisation administrative d’exploiter bien que la surface totale qu’il mettra alors en valeur dépassera le seuil fixé localement au titre du contrôle des structures. Dans ce cas, il doit simplement adresser une déclaration au préfet.

Mais attention, ce régime de faveur (une simple déclaration plutôt que l’obtention d’une autorisation administrative) s’applique à condition que les terres objet de la reprise aient été « détenues » par le père du bénéficiaire de la reprise (le fils) depuis au moins 9 ans. Or, selon les juges, cette condition de « détention » n’est pas remplie lorsque le père du bénéficiaire de la reprise est propriétaire des terres en indivision.

Dans cette affaire, une parcelle agricole donnée en location était détenue en indivision par 7 frères et sœurs. Ces derniers avaient envoyé à l’exploitant locataire un congé pour reprise au bénéfice du fils de l’un d’entre eux, lequel n’avait pas demandé d’autorisation administrative d’exploiter car il pensait qu’une simple déclaration suffisait. Ce que l’exploitant avait contesté en justice. À juste titre. Car pour les juges, le fait d’être propriétaire indivis ne permet pas de satisfaire à la condition de détention requise. Du coup, le bénéficiaire de la reprise aurait dû être titulaire d’une autorisation d’exploiter. Comme ce n’était pas le cas, la reprise n’était pas valable et le congé devait être annulé.

Cassation civile 3e, 12 juillet 2018, n° 17-10012

La décision de préemption de la Safer doit être notifiée à l’acquéreur évincé !

Lorsque la décision d’exercice par la Safer de son droit de préemption n’a pas été notifiée à l’acquéreur évincé dans le délai imparti, la préemption est nulle.

Lorsque la Safer exerce son droit de préemption sur un terrain agricole, elle doit en informer le notaire chargé de la vente ainsi que l’acquéreur évincé. En pratique, cette notification doit être effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR).

Précision : la Safer doit justifier sa décision de préemption en faisant explicitement référence à un ou plusieurs des objectifs visés par la loi. À défaut, la décision risque d’être annulée.

Et attention, la notification de la décision de la Safer à l’acquéreur évincé doit être opérée dans un délai de 15 jours à compter de la date de la réception de la notification faite au notaire. Faute d’être notifiée à l’acquéreur évincé dans ce délai, la décision de la Safer encourt la nullité.

Ainsi, dans une affaire récente, après avoir été informée par le notaire de la vente d’une parcelle agricole, la Safer avait décidé de l’acquérir en exerçant son droit de préemption. Elle avait alors porté cette décision à la connaissance du notaire ainsi qu’à celle de l’acquéreur. Or la lettre recommandée AR qu’elle avait envoyée à ce dernier lui était revenue avec la mention « défaut d’accès ou d’adressage ». En effet, l’adresse qui y était indiquée était incomplète. Du coup, mais un mois plus tard seulement, la Safer avait procédé à une nouvelle notification en prenant soin, cette fois, de mentionner la bonne adresse. Mais l’acquéreur avait alors estimé que la préemption était nulle puisque cette notification était hors délai, plus de 15 jours s’étant écoulés depuis la notification faite au notaire. Les juges lui ont donné gain de cause.

À noter : le fait que la Safer n’ait pas commis de faute puisqu’elle avait repris l’adresse indiquée par le notaire dans sa notification a été inopérant aux yeux des juges.

Cassation civile 3e, 21 février 2019, n° 17-19370Article publié le 02 avril 2019 – ©  Les Echos Publishing – 2019 – Réf : 297733

Notification par la Safer des décisions de rétrocession

Lorsqu’elle rétrocède un terrain à un exploitant, la Safer doit informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix dans le délai d’un mois à compter de l’affichage en mairie de l’avis d’attribution du terrain.

Lorsqu’elle rétrocède à un exploitant agricole un terrain qu’elle avait acquis à l’amiable ou en ayant exercé son droit de préemption, la Safer est tenue d’informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix.

Or jusqu’à maintenant, aucun délai n’était prévu pour l’accomplissement de cette formalité. Un décret vient de pallier cette carence. Ainsi, l’information des motifs ayant guidé le choix de la Safer en faveur d’une personne (l’attributaire) plutôt qu’une autre doit être délivrée aux candidats évincés dans le délai d’un mois à compter de l’affichage en mairie de l’avis d’attribution du terrain.

Précision : la Safer doit faire procéder à l’affichage en mairie de sa décision de rétrocession dans le délai d’un mois à compter du jour de la signature de l’acte de vente du terrain. La décision de rétrocession doit comporter la désignation sommaire du terrain concerné avec notamment sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieu-dit ou la référence cadastrale, le nom et la qualité du cessionnaire ainsi que les conditions financières de l’opération.

Mais attention, le délai pour agir en justice contre une décision de rétrocession reste fixé à 6 mois à compter du jour où elle a été rendue publique, c’est-à-dire à compter de l’affichage en mairie de l’avis d’attribution du terrain.

Questions : que se passe-t-il si la Safer ne notifie pas sa décision de rétrocession aux candidats non retenus dans le délai d’un mois à compter de l’affichage en mairie ? L’action contre la décision de rétrocession qui serait intentée au-delà du délai de 6 mois serait-elle alors néanmoins recevable ? Les tribunaux devront le préciser…

Décret n° 2018-77 du 7 février 2018, JO du 9– Article publié le 06 mars 2018 – ©  Les Echos Publishing – 2017

Démembrement de propriété et droit de préemption de la Safer

La vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un terrain agricole à deux personnes distinctes est soumise au droit de préemption de la Safer.

Les situations dans lesquelles le démembrement de propriété est utilisé pour contourner le droit de préemption de la Safer ne sont pas rares. Une affaire récente nous en donne un nouvel exemple.

Ainsi, un couple avait, dans le même temps, vendu l’usufruit de parcelles de terre lui appartenant à une personne et la nue-propriété de ces parcelles à un groupement foncier agricole. La vente n’ayant pas été notifiée (mais seulement déclarée) à la Safer, cette dernière avait demandé en justice l’annulation de l’opération au motif que son droit de préemption n’avait pas été respecté.

Elle a obtenu gain de cause, les juges ayant réaffirmé que la vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’une parcelle, même au profit de deux personnes distinctes, constitue, en fait, une vente de la pleine propriété de celle-ci. Et qu’en conséquence, l’opération considérée était soumise au droit de préemption de la Safer.

À noter que si les juges ont annulé la vente, ils ont refusé de substituer la Safer à l’acquéreur, ainsi que cette dernière le leur avait demandé. En effet, le notaire avait envoyé à la Safer une déclaration d’opération exemptée du droit de préemption et non une notification valant offre de vente. La substitution n’était donc pas juridiquement possible.

Précision : cette décision a été rendue à une époque où la Safer ne pouvait pas exercer son droit de préemption en cas de vente de la nue-propriété ou de l’usufruit d’un terrain agricole (sauf fraude). Depuis la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014, elle peut exercer son droit de préemption en cas de vente de l’usufruit d’un bien agricole. Et en cas de vente de la nue-propriété, elle bénéficie de ce droit seulement si elle en détient l’usufruit ou est en mesure de l’acquérir concomitamment (donc lorsque la nue-propriété et l’usufruit sont vendus simultanément).

Cassation civile 3e, 31 mai 2018, n° 16-25829
Article publié le 26 juin 2018 – © Les Echos Publishing – 2017 – Réf : 248438