Transmission des entreprises agricoles

Les transmissions à titre gratuit de biens ruraux loués par bail à long terme ou parts de groupements fonciers bénéficient jusqu’à 101 897 euros d’une exonération de 75% des droits de mutation et 50% au-delà, sous réserve de conservation des biens cinq ans après la transmission. Le seuil de la première tranche est relevé à 300 000 euros.

Résiliation d’un bail rural pour défaut de paiement du fermage

Le propriétaire de terres agricoles louées ne peut pas demander la résiliation du bail rural en invoquant des impayés de fermage intervenus antérieurement à son renouvellement, c’est-à-dire au cours du bail précédent.

Le défaut de paiement du fermage par un exploitant agricole constitue une cause de résiliation de son bail rural. Mais attention, en la matière, des conditions strictes doivent être réunies. En effet, le bailleur n’est en droit d’obtenir en justice la résiliation du bail que si deux échéances de fermage, consécutives ou non, ont été impayées, chacune ayant fait l’objet d’une mise en demeure restée sans effet pendant un délai de 3 mois.

À noter : une seule mise en demeure suffit si le paiement de deux échéances distinctes est demandé en même temps.

Un bailleur a fait les frais de la complexité de ce régime de résiliation dans l’affaire récente suivante. Ce bailleur avait été victime d’un défaut de paiement de deux échéances annuelles consécutives de fermage, en l’occurrence au titre des années 2014 et 2015. Dans les deux cas, il avait envoyé une mise en demeure à l’exploitant locataire, mais ce dernier s’était abstenu de payer les sommes dues dans les 3 mois suivant leur réception. Le bailleur avait alors saisi le tribunal pour qu’il prononce la résiliation du bail. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause.

En effet, son action en justice avait été engagée après le renouvellement du bail (intervenu en 2016) au cours duquel les impayés avaient eu lieu. Or, dans la mesure où le bail renouvelé est un nouveau bail, les juges ont estimé que le bailleur ne pouvait pas demander la résiliation de ce bail en invoquant des impayés de fermage qui s’étaient produits au cours du bail précédent.

Cassation civile 3e, 21 janvier 2021, n° 20-10916

Continuation du bail rural par un seul des colocataires : gare au formalisme !

Lorsque l’un des colocataires cesse de participer à l’exploitation des terres louées, l’autre, qui continue à exploiter, doit demander au bailleur, dans un délai de 3 mois, que le bail se poursuive à son seul nom.

Lorsque deux époux sont cotitulaires d’un bail rural et que l’un d’eux cesse de participer à l’exploitation des terres louées, par exemple à la suite d’un divorce ou de son départ à la retraite, celui qui continue à exploiter dispose d’un délai de 3 mois pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom. Le bailleur ne pouvant s’y opposer qu’en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux dans les 2 mois qui suivent.

Précision : cette règle est applicable aux baux conclus depuis plus de 3 ans, sauf si la cessation d’activité de l’un des colocataires résulte d’un cas de force majeure. Si le bail rural a moins de 3 ans, la régularisation au profit de celui qui continue à exploiter n’est pas juridiquement prévue.

Et attention, le locataire qui demeure dans les lieux loués doit veiller à bien respecter ce formalisme. Car sinon, le bailleur serait en droit de mettre fin au bail. Ainsi, dans une affaire récente, c’est le mari qui partait à la retraite qui avait sollicité du bailleur la poursuite du bail au seul nom de son épouse. Faisant valoir que la demande ne lui avait pas été envoyée par la bonne personne (à savoir l’épouse qui continuait d’exploiter), le bailleur avait estimé que la poursuite du bail n’était pas valable et qu’il était donc en droit d’y mettre un terme. Les juges lui ont donné raison. Décision sévère pour l’intéressée alors que le bailleur avait été clairement informé de l’intention de cette dernière de continuer à exploiter !

En pratique : la demande de continuation du bail au profit d’un seul des époux doit être formulée par lettre recommandée avec avis de réception et contenir un certain nombre de mentions obligatoires (motif et date de la cessation d’activité, reproduction de l’article L. 411-35, alinéa 3 du Code rural).Cassation civile 3e, 19 novembre 2020, n° 19-22442
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 novembre 2020, 19-22.442…Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 novembre 2020, 19-22.442, Inédit

Article publié le 06 avril 2021 – ©  Les Echos Publishing – 2021 – Réf : 413388

La pluriactivité et la demande d’autorisation d’exploiter

Lorsqu’un pluriactif dépasse les seuils définis à l’article L.331-2 du Code rural et de la pêche maritime, celui-ci doit se soumettre au contrôle des structures. Ce seuil est de 3 120 fois le SMIC.

Les juges de la Cour de Cassation ont rappelé les modalités pour l’appréciation du seuil de pluriactivité :
L’article R.331-2 du CRPM dispose que « les revenus extra-agricoles […] sont constitués du revenu fiscal de référence du demandeur […], déduction faite, s’il y a lieu, de la part de ce revenu provenant d’activités agricoles. » (…)

Cependant en présence de déficits agricoles ceux-ci doivent être déduits du revenu fiscal de référence.

En l’espèce le déficit a permis au futur exploitant de passer en deçà du seuil et donc de ne pas être soumis au con-trôle des structures.

En savoir plus :
Cass. 3e civ. 21 janv. 2021, n°19-26.113

Congé pour reprise de terres agricoles : les mentions à indiquer

Un congé pour reprise qui, s’agissant des parcelles concernées, se contente de faire allusion à l’existence du bail et aux 17 parcelles louées, est valable dès lors qu’il porte sans équivoque sur l’intégralité des biens loués.

Le propriétaire qui souhaite reprendre les terres qu’il loue à un exploitant agricole doit lui délivrer un congé 18 mois au moins avant la fin du bail.

Obligatoirement notifié par acte d’huissier de justice, ce congé doit mentionner le motif pour lequel il est donné (en l’occurrence, l’exercice du droit de reprise), l’identité de son bénéficiaire (nom, prénom, âge, domicile, profession) et l’habitation que ce dernier occupera après la reprise. Doit également y être reproduit l’alinéa 1er de l’article L 411-54 du Code rural qui indique le délai (4 mois) dont dispose le locataire pour contester le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Et attention, faute de contenir ces mentions, le congé est nul.

Précision : si le locataire est âgé, le congé doit également mentionner la faculté dont dispose ce dernier de céder son bail.

Pas d’équivoque sur les parcelles objet de la reprise

En revanche, la loi n’impose pas que soient indiquées dans le congé la désignation cadastrale et la superficie de chacune des parcelles reprises.

Ainsi, dans une affaire récente, un congé pour reprise qui se contentait de faire allusion à l’existence du bail et aux 17 parcelles louées « sises sur le ban de Rouffach pour une superficie totale de 10 ha 10 a 88 ca » a été déclaré valable par les juges puisqu’il portait sans équivoque sur l’intégralité des biens loués. Le locataire, qui faisait valoir que cette simple mention ne lui permettait pas d’identifier les parcelles concernées, n’a donc pas été suivi par les juges. Cassation civile 3e, 20 juin 2019, n° 18-12284

Gare à la cession, même partielle, du bail rural !

L’exploitant agricole qui cède son bail rural encourt la résiliation de ce bail même si la cession ne porte que sur une partie infime des terres louées.

Vous le savez : sauf si l’opération est réalisée au profit de son conjoint ou de ses descendants avec l’autorisation du bailleur (ou, à défaut, avec celle du tribunal paritaire de baux ruraux), l’exploitant locataire de terres agricoles n’a pas le droit de céder son bail ou de consentir une sous-location. Une cession ou une sous-location opérée au mépris de cette interdiction serait nulle. Et le bailleur serait en droit d’obtenir en justice la résiliation du bail.

Et attention, le locataire s’expose à la résiliation de son bail même si la cession porte sur une petite partie des terres louées. La résiliation étant encourue sans que les juges doivent se prononcer sur la gravité du manquement du locataire, ni rechercher si ce manquement est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. C’est ce que les juges ont décidé dans une affaire où une parcelle, représentant 10 % seulement de la superficie totale des terres louées, était exploitée par une personne autre que le locataire.

Jurisprudence sur la cession d’un bail

La cession d’un bail rural au profit du partenaire pacsé de l’exploitant n’est autorisée que si ce dernier participe à l’exploitation du bien loué.

Vous le savez : la cession d’un bail rural est interdite. Toutefois, par exception, un exploitant agricole peut, à condition d’avoir obtenu l’agrément préalable du bailleur, céder son bail à l’un de ses enfants ou petits-enfants (majeurs) ainsi qu’à son conjoint ou à son partenaire de Pacs. Sachant qu’à défaut d’accord du bailleur, l’autorisation de céder le bail peut être demandée au tribunal paritaire de baux ruraux.

À ce titre, les juges viennent d’appliquer à une personne pacsée avec un exploitant agricole la règle selon laquelle elle doit avoir participé, aux côtés de ce dernier, à la mise en valeur des parcelles louées pour que le bail portant sur ces parcelles puisse lui être cédé. Dans cette affaire, le fait que l’intéressé disposait de la compétence agricole ainsi que le cheptel et le matériel lui permettant d’exploiter le fonds considéré ne suffisait pas.

Précision : à la différence des descendants, le conjoint de l’exploitant locataire, tout comme son partenaire de Pacs, doit participer à l’exploitation du bien loué pour que la cession du bail puisse être autorisée à son profit.Cassation civile 3e, 7 février 2019, n° 17-23113

Bail rural : quand les usages agricoles s’appliquent

En cas de doute sur l’application d’une disposition stipulée dans un bail rural, les juges peuvent se référer aux usages agricoles.

Lorsqu’un bail rural est imprécis, ou a fortiori lorsqu’il a été conclu verbalement, les règles qui s’appliquent aux parties peuvent être incertaines et donner lieu à des contestations. Pour régler le litige, une solution consiste alors à se référer aux usages agricoles. Tel a été le cas dans une affaire où la date à laquelle un bail rural devait prendre fin posait question et, par voie de conséquences, la date à laquelle le congé devait être délivré par le propriétaire au locataire.

Dans cette affaire, un bail rural avait été conclu le 20 février 2007 pour une durée de 9 ans. Ce bail prévoyant une expiration « après la levée des récoltes 2016 », le bailleur avait délivré congé pour reprise au locataire le 27 mars 2015 pour la date du 31 octobre 2016. Mais ce dernier avait contesté la validité du congé, délivré tardivement selon lui, faisant valoir que le bail devait prendre fin « en octobre 2015 ou à défaut le 20 février 2016 ».

Saisis du litige, les juges ont constaté que la date de levée des récoltes correspondait, selon les usages agricoles, au 31 octobre de chaque année, fin de l’année culturale. Pour eux, le congé donné le 27 mars 2015 pour la date du 31 octobre 2016 était donc valable car délivré dans le délai légal de 18 mois avant la fin du bail.Cassation civile 3e, 13 décembre 2018, n° 17-19854